- Le retard pris par la Bulgarie dans la fermeture de ses centrales à charbon contribue à une dangereuse pollution atmosphérique, risque d’empêcher son respect des nouvelles normes de l’UE sur la qualité de l'air, et ralentit sa transition vers l'abandon des combustibles fossiles.
- Les données montrent que Maritsa 3, une centrale à charbon située près de la ville de Dimitrovgrad, y contribue à une dangereuse pollution atmosphérique qui nuit à la santé des habitants, en particulier des enfants.
- Le gouvernement bulgare devrait mettre fin à sa forte dépendance à l’égard du charbon pour la production d'électricité, revenir sur sa décision de retarder la sortie du charbon, respecter l'échéance de 2030 et garantir une transition juste vers une économie basée sur les énergies renouvelables.
(Bruxelles, 8 décembre 2025) – Le retard pris par la Bulgarie dans la fermeture de ses centrales à charbon contribue à une dangereuse pollution atmosphérique, risque d’empêcher son respect des nouvelles normes de l’UE sur la qualité de l'air et ralentit sa transition vers l'abandon des combustibles fossiles, a déclaré Human Rights Watch dans un rapport publié aujourd'hui. En 2023, le gouvernement bulgare a reporté à 2038 son projet de fermeture des centrales à charbon, s'éloignant ainsi des calendriers plus ambitieux d'autres pays de l'Union européenne qui dépendent aussi du charbon, tels que la République tchèque et la Roumanie.
Le rapport de 45 pages, intitulé « “Like a Prisoner in My Home”: Coal Fueling Toxic Air in Bulgaria”» (« “Comme un prisonnier chez moi” : Pollution atmosphérique toxique par le charbon en Bulgarie »), analyse les données révélant des niveaux alarmants de pollution atmosphérique à Dimitrovgrad, une ville du sud de la Bulgarie proche de la centrale Maritsa 3, l'une des plus anciennes centrales à charbon du pays. La centrale Maritsa 3 émet des polluants atmosphériques dangereux qui contribuent à la mauvaise qualité de l'air et nuisent à la santé des habitants, en particulier des enfants.
« La dépendance continue de la Bulgarie à l’égard du charbon coûte des vies et freine la transition énergétique du pays », a déclaré Myrto Tilianaki, chargée de plaidoyer senior auprès de la division Environnement et droits humains à Human Rights Watch. « À Dimitrovgrad, la pollution atmosphérique empêche des enfants d'aller à l'école parce qu'ils souffrent de maladies chroniques. »
Une part importante de la pollution en Bulgarie provient de l'activité industrielle liée aux 10 centrales à charbon du pays, qui brûlent du lignite hautement polluant et dégagent des émissions toxiques telles que du dioxyde de soufre, des oxydes d'azote et des particules. En vertu de la Directive révisée de l’UE sur la qualité de l'air ambiant, les États membres dont la Bulgarie doivent renforcer leurs normes de qualité de l'air d'ici fin décembre 2026, et s’y conformer entièrement d'ici 2030.
Human Rights Watch a effectué une analyse approfondie des données sur la la pollution atmosphérique à Dimitrovgrad, et a mené des entretiens avec des habitants, des experts, ainsi que des responsables locaux, nationaux et européens. Les chercheurs ont constaté que les habitants de Dimitrovgrad souffraient de taux élevés de maladies respiratoires telles que la bronchite, l'asthme et le cancer du poumon.
Les enfants vivant à Dimitrovgrad, en particulier, semblaient beaucoup plus susceptibles de souffrir de maladies respiratoires que ceux vivant dans les villes voisines.
Un garçon de 7 ans vivant à Dimitrovgrad a été diagnostiqué asthmatique chronique à l'âge de six mois. Il est fréquemment hospitalisé en raison de ses symptômes et manque souvent l'école. « Je voudrais que le gouvernement sache que je ne veux plus être malade, et que je veux respirer de l'air pur », a-t-il déclaré aux chercheurs. Bien que d'autres secteurs contribuent également à la pollution atmosphérique à Dimitrovgrad, les autorités environnementales nationales ont reconnu que la centrale thermique Maritsa 3 est une une source majeure de dioxyde de soufre, un polluant nocif pour la santé humaine. Des niveaux élevés ont conduit à la fermeture administrative temporaire de cette centrale en avril 2022.
En analysant les données gouvernementales sur la qualité de l'air, Human Rights Watch a évalué l'impact de l'exploitation de Maritsa 3 sur les niveaux de dioxyde de soufre à Dimitrovgrad, en tenant compte de plusieurs conditions environnementales, ainsi que de l'exploitation et de la production d'autres centrales à charbon situées à environ 40 kilomètres à l'est. Les recherches ont montré que le facteur le plus déterminant pour les niveaux de dioxyde de soufre à Dimitrovgrad est le fonctionnement de la centrale Maritsa 3.
Dans sa correspondance avec Human Rights Watch, la société TPP Maritsa 3 AD, qui exploite Maritsa 3, a reconnu que cette centrale contribuait aux niveaux de dioxyde de soufre, mais a souligné que ses émissions respectaient les limites actuelles de qualité de l'air et n'avaient donné lieu à aucune sanction administrative depuis 2022. La société a ajouté qu'elle procédait à une « planification stratégique afin d’évaluer les mesures nécessaires pour s'adapter aux nouvelles exigences, devenues nettement plus strictes ».
Dans ses réponses écrites à Human Rights Watch, confirmées lors de réunions en personne avec les autorités environnementales nationales, le gouvernement bulgare a clairement indiqué son intention de renforcer la réglementation sur la qualité de l'air d'ici fin 2026. Les nouvelles normes seront moins strictes que les lignes directrices de l'Organisation mondiale de la santé (OMS), mais permettront de mieux protéger la santé publique et de faire progresser le droit à la santé en Bulgarie.
L'analyse par Human Rights Watch des données sur la pollution atmosphérique à Dimitrovgrad permet d’anticiper que même si la centrale Maritsa 3 continue de fonctionner en deçà de sa capacité et suspend provisoirement ses opérations de manière intermittente, le niveau de dioxyde de soufre à Dimitrovgrad risque de dépasser souvent les seuils correspondant aux normes renforcées selon les exigences de l'UE.
Le retard pris par la Bulgarie dans l’abandon progressif du charbon a contribué à nuire à la santé des habitants vivant près des centrales, et a ralenti les progrès de ce pays en matière de réformes clés de la transition énergétique ; ceci expose la Bulgarie au risque de perdre l'accès aux financements de l'UE. La Bulgarie pourrait en principe mobiliser certains mécanismes de l'UE tels que le Fonds pour une transition juste et la Facilité pour la reprise et la résilience (FRR), pour contribuer à financer cette transition. Toutefois, les retards répétés dans l'élaboration d'une feuille de route pour la transition énergétique et la mise en œuvre des réformes nécessaires ont mis en péril 1,2 milliard d'euros de financement par le biais de ces deux mécanismes de l’UE.
« La Bulgarie ne devrait pas continuer à retarder sa transition énergétique », a conclu Myrto Tilianaki. « Le gouvernement devrait fixer une date pour la sortie du charbon d'ici 2030 afin de protéger la santé des habitants, honorer ses engagements climatiques envers l'UE et assurer une transition juste vers une économie basée sur les énergies renouvelables. »
……………………